Dans l’article précédent nous avons vu l’Europe se construire, avec sa culture héritée de la Grèce, avec son territoire et son organisation civile légués par Rome.
La chute de l’empire romain va tout remettre en cause : l’Europe en tant qu’entité sombre dans les ténèbres du Haut Moyen-Age, l’insécurité règne, les villages se replient sur eux-mêmes, la prospérité n’est plus qu’un souvenir.
Pourtant, avec l’appui de l’Eglise, des forces sont à l’oeuvre qui relancent l’idée d’appartenance à ce territoire : Clovis, puis Charlemagne qui redonne à l’Europe son unité et sa cohérence. Cette renaissance est sans lendemain avec la partition catastrophique de l’Empire carolingien.
Le fait religieux devrait être le ciment de la nouvelle organisation féodale, on assiste en fait à l’éclatement de la chrétienté et à la montée en puissance de l’islam…
L’identité européenne, pourtant réelle sous le règne de Charlemagne, va se désagréger au cours de cette période ingrate du Haut Moyen Age.
# Situation à la fin de l’Empire
A l’est de l’Europe, l’Empire d’Orient reste homogène, il comprend la Turquie, la Grèce et les Balkans. Il assure même un protectorat sur l’Italie, certes occupée par les Ostrogoths mais dirigée par Odoacre, reconnu par Constantinople.
A l’ouest, le territoire de l’ex-Empire d’Occident est par contre morcelé en une multitude de «royaumes», souvent peuplés d’anciens Barbares issus de précédentes migrations puis intégrés à l’Empire.
Sur la carte ci-dessus on peut ainsi repérer :
- Les Jutes et les Saxons, installés au nord de l’Allemagne actuelle et au Danemark.
- Les populations celtes dans l’archipel Britannique (Scots en Irlande et Pictes en Ecosse), ainsi que les Angles en Angleterre.
- Les Francs (Saliens et Ripuaires) installés en Belgique et au nord de la Gaule, et les Alamans, en Allemagne de l’ouest.
- Les Gallo-romains de Syagrius, entre la Seine et la Loire.
- Les Burgondes, en Bourgogne et dans la Suisse actuelle.
- Les Wisigoths, au sud de la Loire et dans la péninsule Ibérique, avec les Basques et aussi les Suèves (au Portugal).
- Les Ostrogoths, en Italie, où ils ont finalement renversé Odoacre.
# Les grandes migrations
Cette situation va être profondément bouleversée par une suite quasi ininterrompue de migrations et d’invasions, tout au long des cinq siècles du Haut Moyen-Age.
Les origines de ces mouvements nous restent inconnues, faute de documents écrits. Les causes en sont probablement multiples : envie d’accéder aux richesses de l’ex-Empire, fuite devant d’autres envahisseurs (les Huns et les Avares, qui maintiennent leur pression vers l’ouest), bouleversements climatiques…
Ces migrations vont se faire en trois grandes phases successives.
## Vème et VIème siècles
L’avancée germanique, connue depuis l’Antiquité, se prolonge dans trois directions.
- Poussée des Burgondes sur le territoire de la Gaule
Vers 480, profitant de l’effondrement de l’Empire romain d’Occident, les Burgondes, arrivés de la Baltique, fondent un royaume comprenant la Suisse romande actuelle et tout le quart sud-est de la Gaule.
Deux frères se partagent alors le royaume : Gondebaud, installé à Lyon (ou à Vienne ?) et Godégisèle, installé à Genève.
- Invasion de l’Angleterre par les Anglo-Saxons
Les Jutes, Saxons et Angles sont des peuples germaniques jusqu’alors installés au Danemark, en Hollande et au nord de l’Allemagne.
A partir des années 410, ils envahissent l’Angleterre actuelle et repoussent les «Britons» vers l’ouest, certains devant même s’exiler dans la péninsule armoricaine, lui donnant son nom actuel de «Bretagne».
Trois parties de l’archipel ne sont toutefois pas envahies et restent sous contrôle celte : les Pictes en Ecosse, les Britons en Pays de Galles et les Scots en Irlande.
- Avancée des Lombards en Italie
C’est un peuple germanique venu de la Baltique et qui a migré vers l’Elbe puis le Danube.
En 568 ils pénètrent en Italie par la plaine du Pô et défont les Ostrogoths. Ils se heurtent toutefois aux défenses byzantines protégeant les villes et s’installent donc plutôt dans les campagnes.
Ils prennent rapidement le contrôle de la majeure partie du territoire italien, à l’exception de Rome et de Ravenne qui restent défendus par Byzance.
## VIIème siècle
Deux lames de fonds bouleversent le territoire européen.
- Les invasions slaves
Les Slaves progressent
– D’une part vers l’Europe du nord : Russie, Ukraine, Pologne, Lituanie…
– D’autre part vers le sud, leurs objectifs étant l’Adriatique (Croatie, Serbie, Bosnie…) et surtout le Péloponnèse, la mer Égée et Constantinople.
A plusieurs reprises, ils tentent d’accaparer la couronne byzantine. En 686 ils assiègent Constantinople, qu’ils ne peuvent prendre, mais ils restent seuls maîtres des Balkans.
- Les invasions arabes
A partir des années 612, Mahomet (né en Arabie occidentale) fonde la religion islamique. Il s’installe à la Mecque, qu’il doit quitter suite à des persécutions et il émigre à Médine en 622 (An I de l’Hégire). De là, il convertit et unifie progressivement les tribus arabes, il conquiert et convertit ensuite l’ensemble de la péninsule arabique.
A la mort de Mahomet en 632, Abou Bakr lui succède et fonde le premier califat.
Les califats successifs s’attaquent alors à l’Empire Byzantin et vont l’amputer progressivement d’une bonne part de ses possessions :
– Conquête de la Syrie romaine et de la Palestine à partir de 634, puis de la Perse et de Samarcande.
– Prise d’Alexandrie en 640 et conquête de l’Egypte.
– Siège de Constantinople en 674 puis en 718, mais la ville ne sera jamais prise (grâce aux «feux grégeois» byzantins) et bloquera l’avancée arabe vers le centre de l’Europe.
– Prise de Carthage, de la Tripolitaine et de l’ensemble du nord de l’Afrique, ce qui permet aux Arabes de contrôler le commerce maritime en Méditerranée, au détriment des Byzantins.
– Sous les Ommeyades, invasion de l’Espagne en 711 par le détroit de Gibraltar. Une troupe de 12.000 hommes, surtout composée de Berbères (les Maures) met fin au royaume Wisigoth.
– Franchissement ds Pyrénées (716), les Maures n’étant arrêtés dans leur progression vers le nord qu’en 732 à Poitiers, par Charles Martel. Ils refluent alors vers l’Espagne, mais aussi vers la vallée du Rhône et la Provence.
En 750, les Abbassides renversent les Ommeyades. Ils créent ou étendent de nombreuses villes florissantes : Bagdad (leur capitale), Samarra, Boukhara, Samarkand, Le Caire…
## IXème et Xème siècles
Aux invasions massives se substituent alors des raids, violents et qui renforcent considérablement l’insécurité en Europe.
- Les raids sarrasins
Les Sarrasins (autre noms donné aux populations de confession musulmane) contrôlent la péninsule Ibérique. Les Baléares, la Sicile et la Corse leur servent de base arrière pour mener des raids sur les côtes françaises et italiennes.
– En 880 ils s’installent à Saint Tropez. Ils occupent la Haute Provence (et poussent même jusqu’en Alémanie) et fondent leur place forte à La Garde Freinet.
– En 973 ils capturent l’Abbé de Cluny, Saint Mayeul, une des gloires de la chrétienté. L’émotion est telle que le comte de Provence et le marquis de Turin lèvent l’ost (l’armée) contre eux et les battent à Tourtour. La domination sarrasine en Provence cesse en 990.
- Les raids hongrois
– En 860 ils franchissent les Carpates et s’installent dans la plaine du Danube, à laquelle ils donnent leur nom. De là ils entreprennent des raids vers la Germanie, l’Italie et la France, notamment en Champagne, en Bourgogne et même en Languedoc.
– En 955, à la bataille de Lech, l’empereur d’Allemagne Otton le Grand (retenez ce nom, il va fonder le Saint Empire Romain Germanique) bat les dernières hordes hongroises, qui finalement se convertissent au catholicisme.
- Les raids vikings
Commerçants et grands navigateurs, les Vikings organisent des expéditions massives le long des côtes de la mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique. Ils s’aventurent même en Orient, atteignent Constantinople, la Caspienne et la Volga.
– En Europe, L’Angleterre est particulièrement touchée, l’Humber et la Tamise constituant des voies de pénétration privilégiées pour les navires vikings
– En France les Vikings remontent à plusieurs reprises la Seine, la Loire et la Garonne. Ils atteignent Toulouse en 844 et font le siège de Bordeaux en 845. Paris est assiégée à cinq reprises, la dernière fois en 885.
A partir de 900, les Francs, incapables de mettre fin à ces raids, proposent aux Vikings de s’installer à demeure. En 911, Rollon est autorisé par Charles III à occuper dans ce qui devient la Normandie.
# Les entités politiques
## Dynastie mérovingienne
Le nom provient de Mérovée, roi des Francs Saliens de 448 à 457, dont l’existence historique est contestée. La dynastie réelle commence avec son fils, Chilpéric Ier, lui-même père de Clovis.
- Clovis
Clovis accède au pouvoir en 466, il a 15 ans ! Très vite, il comprend la puissance de l’Eglise et il va s’en servir avec un grand sens politique.
– En 486, il déclare la guerre aux Gallo-romains, les bat à Soissons et annexe leur royaume (vous connaissez l’épisode du vase de Soissons, où on voit déjà que Clovis veut s’attirer les bonnes grâces du clergé !).
– En 496, les Alamans agressent les Francs Ripuaires. Clovis vient au secours de Sigebert le Boiteux et affronte les Alamans à Tolbiac, la bataille s’engage mal mais il implore le Dieu de sa femme : Jésus-Christ, toi que Clotilde déclare fils de dieu vivant, si tu me donnes de triompher de mes ennemis… et remporte la victoire !
Après ça, Clovis est mûr pour le baptême, célébré par Remy à Reims le 25 décembre 496. Et surtout, devenu seul roi catholique de l’Occident, il va pouvoir affronter les rois ariens avec l’appui de l’Eglise !
– En 500, Clovis attaque les Burgondes dont le roi, Gondebaud, est justement arien. Il entreprend le siège de Vienne mais doit le lever, craignant une attaque des Wisigoths d’Alaric. Clovis accepte ce revers, il n’a pas gagné de terres mais s’est fait un allié qui se convertit au catholicisme.
– Alaric II, roi des Wisigoths, reste alors le seul roi arien en Gaule. Le clergé veut convertit ce territoire au christianisme, Clovis voudrait atteindre la Méditerranée. L’affaire est dès lors entendue…
Avec l’aide des Burgondes et des Franc Ripuaires, Clovis attaque Alaric à Vouillé, près de Poitiers. Les Wisigoths sont rejetés au sud des Pyrénées.
– Ayant triomphé des Wisigoths, il ne reste plus à Clovis qu’à se débarrasser de ses chers cousins, les roitelets Francs Ripuaires. Sigebert le Boiteux (qu’il a soutenu contre les Alamans, souvenez-vous) est assassiné, puis Chlodéric, Ragnachar, Richar (retenez ces noms, ça peut servir).
Clovis a fini son oeuvre et (presque) construit la France (douce France !!!).
A sa mort et selon la coutume des tribus germaines, son royaume est partagé entre ses fils, avec la formation de trois entités : Neustrie, Austrasie et Bourgogne.
- Dagobert
Il réalise en 632 la dernière unification de la dynastie mérovingienne. Des villes sont construites et bénéficient de la prospérité générée par l’ouverture de nouveaux marchés en mer du nord.
A la fin de son règne, le pouvoir est progressivement confisqué par l’aristocratie franque. Pendant un siècle la famille des Pippinides (de Pépin de Landen à Charles Martel) va exercer le pouvoir réel en tant que « Maire du Palais », les rois mérovingiens perdant toute influence.
Pour les décrédibiliser, Éginhard, biographe de Charlemagne, décrira des rois se déplaçant constamment, vautrés dans un char à bœufs et forgera l’image des «rois fainéants».
## Empire carolingien
- Charlemagne
A la mort de Pépin le Bref, Charles (qui deviendra Charlemagne) réunifie les possessions de son père et fonde l’Empire carolingien, comprenant la France, le nord de l’Italie et l’Ouest de l’Allemagne (pratiquement le territoire du « Marché Commun » en 2 000 !). Charlemagne va d’ailleurs être appelé « Le vénérable de l’Europe ».
Charlemagne est un roi conquérant, souvent d’une grande brutalité : en 43 ans de règne, il va faire 53 campagnes (dont 34 contre les Saxons) !
– Il intervient en Italie, où il défait les Lombards et annexe le nord du pays.
– Il reprend aux Arabes le nord de l’Espagne (mais à Roncevaux, il ne peut secourir Roland le preux, en fait attaqué par des Basques…).
– Il envahit la Bavière et l’incorpore au royaume Franc, il combat les Saxons, incorpore la Saxe et convertit de force les habitants.
Mais c’est aussi un politique et un organisateur :
– Il rétablit le Pape Léon III dans ses fonctions et, en échange, se fait sacrer Empereur (en 800) ;
– Il met en place un gouvernement central à Aix la Chapelle et délègue l’administration locale à des comtes qui gèrent les territoires.
– II crée un corps d’inspecteurs chargés de faire connaître et respecter les décisions gouvernementales : les missi dominici.
– Il met en place un système d’éducation gratuit et pratiquement obligatoire.
En développant la pratique des « Serments de fidélité » avec des vassaux qui lui doivent allégeance et soutien militaire (et reçoivent en échange un « fief »), Charlemagne initie la société féodale, qui prendra tout son essor aux siècles suivants.
- Une succession difficile
A la mort de Louis le Pieux (fils de Charlemagne), le partage de l’Empire entre ses trois fils va disloquer cette unité (traité de Verdun en 843) :
– Charles-le-Chauve hérite de la partie occidentale (Francie Occidentale),
– Louis-le-Germanique obtient les terres situées à l’Est du Rhin et au nord des Alpes (Francie orientale),
– Lothaire reçoit une longue bande de terre entre les deux précédents royaumes (Francie médiane) : un territoire ingérable, constamment convoité par ses deux voisins.
Les combattants de 14-18 savaient-ils que la guerre, cette «inexpiable folie», était la conséquence d’un traité signé à Verdun, plus de dix siècles auparavant ? Louis le Pieux aurait-il eu deux fils, le sort de l’Europe en eut été changé.
## Dynasties post-carolingiens
– En Francie occidentale, la famille des Robertiens, ayant acquis sa légitimité face aux envahisseurs Normands (que les Carolingiens n’ont pas su combattre), assume le pouvoir réel. Après deux tentatives prématurées, un Robertien, Hugues Capet, est nommé roi des Francs (987), il met fin à la dynastie carolingienne et crée la dynastie capétienne.
– En Francie orientale, lorsque le dernier des Carolingiens de Germanie, Louis IV l’Enfant, meurt sans héritier (911), les féodaux allemands élisent l’un des leurs, (Conrad, duc de Franconie), en tant que roi. La dynastie ottonienne repose dès lors sur le double principe héréditaire et électif.
En 962, Otton Ier est couronné empereur de ce qui est devenu le « Saint-Empire romain germanique ».
– En Francie médiane, le territoire est partagé en trois parties (855) : l’Italie, la Provence plus la Bourgogne, la Frise qui s’appellera Lotharingie et deviendra la Lorraine. Quand je vous disais : 14-18.
## Péninsule ibérique
- La conquête arabe
Après la victoire de Clovis à Vouillé, en 507, les Wisigoths ne contrôlent plus que le territoire espagnol.
An 711, après avoir pris pied en Hispanie et défait les armées wisigothes, les musulmans prennent Séville, Ecija et Cordoue, qui devient leur capitale. Ils poursuivent ensuite leur course vers le nord et franchissent les Pyrénées.
Bloqués à Poitiers puis repoussés au delà des Pyrénées par Charlemagne, les musulmans conservent la Septimanie (l’Aquitaine), dont Narbonne, et tout le sud de la péninsule, renommé al-Andalus, où ils développent une civilisation florissante.
En Andalousie, Cordoue rivalise de splendeur avec Bagdad. On y développe l’horticulture, les industries de la soie, du cuivre, de l’argent… et bien sûr du cuir.
Des merveilles architecturales sont construites, telles que l’Alhambra ou la grande mosquée de Cordoue.
Outre les domaines scientifique et technique, un nouvel art de vivre se développe : le mot troubadour vient de l’Arabe andalou tarab-dor.
La tolérance est alors de règle : les trois cultures juive, chrétienne et musulmane vivent en symbiose, les musulmans laissant aux anciens habitants, chrétiens et juifs, la liberté de garder leur religion (moyennant le paiement d’un tribut).
C’est au cours de cette période que les savants de l’Islam innovent dans tous les domaines du savoir : astronomie, mathématiques, médecine, philosophie… La Renaissance italienne saura en profiter lorsque, après la Reconquista, ces savoirs seront transmis à l’Occident par les savants espagnols.
- Les débuts de la «Reconquista»
Les premiers mouvements contre les musulmans se font jour dans les Asturies en 718. Ils vont progressivement s’étendre et donner naissance aux royaumes des Asturies, de la Galice, de Navarre et d’Aragon. Toutefois la Reconquista proprement dite ne va se développer qu’au cours du XIème siècle.
## Empire byzantin
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Résumé
Pendant le Haut Moyen Age, l’Empire Byzantin va connaître quatre périodes successives :
– 1. Sous le règne de Justinien (527 à 565), Byzance va récupérer la plupart des territoires perdus par l’Empire romain autour de la Méditerranée («reconquête justinienne»). Justinien va avoir également un rôle législatif important, avec l’élaboration du code portant son nom.
– 2. Le VIIème siècle est une période sombre : l’Empire perd beaucoup de ses territoires du fait des invasions lombardes (Italie) et arabes (Maghreb). Il est également affaibli par les guerres contre les Bulgares et les Slaves.
– 3. Au VIIIème siècle, l’Empire se redresse, suite notamment à l’échec du siège de Constantinople par les Arabes (718), qui permet de bloquer leur progression vers le centre de l’Europe.
– 4. Les IXème et Xème siècles correspondent à l’apogée de l’Empire. Sous le règne de Basile et de ses successeurs, Byzance va connaître pratiquement deux siècles de prospérité. L’Empire reconquiert ses territoires et devient la civilisation européenne la plus brillante, dans tous les domaines économique, scientifique, culturel…
- La reconquête justinienne au VIème siècle
Justinien le Grand règne sur l’Empire byzantin de 527 jusqu’à sa mort en 565.
Son objectif est de reconstituer l’ancien Empire romain autour de la Méditerranée. Il reprend Carthage en 533 et récupère l’Afrique du Nord, puis la Sicile, la Sardaigne et la Corse. En 535 il reprend l’Italie aux Ostrogoths. Il intervient en Espagne, se fait céder l’Andalousie en 554 et impose la suzeraineté byzantine au royaume des Wisigoths.
Dans le domaine civil, Justinien modernise toute la législation antique et fait une synthèse de la jurisprudence. C’est à la suite de ces travaux que l’Occident médiéval va pouvoir adopter le droit romain à partir du XIIème siècle.
Dans le domaine économique, la limitation de la piraterie en Méditerranée relance le commerce avec l’Egypte, la Syrie, la Gaule mérovingienne ; de même avec la Chine, par la Route de la Soie.
Enfin Justinien est un grand bâtisseur : reconstruction de Constantinople, construction de la basilique Sainte-Sophie, restauration de la muraille de Théodose…
- Les années sombres du VIIème siècle
La nouvelle extension de l’Empire est toutefois incompatible avec ses moyens financiers, et les successeurs de Justinien (dynastie d’Héraclius) vont devoir se concentrer sur l’Orient.
Au niveau territorial, la régression de l’Empire est importante : les Perses prennent Antioche, occupent Jérusalem puis l’Egypte. Les Lombards avancent vers le sud de l’Italie. Et surtout les Arabes qui, en vingt ans, conquièrent Jérusalem et Antioche, la Tripolitaine, l’Afrique du Nord…
Au niveau interne, l’Eglise prend une place prépondérante dans le fonctionnement de l’Etat, marquant une différence essentielle avec la situation en Occident, où l’Eglise et la royauté sont alliés ou en conflit, mais en tous cas distincts.
A la fin du siècle, et sous le règne désastreux de Justinien II, la situation de l’Empire devient critique : guerre avec les Bulgares et les Slaves, reprise du conflit avec les Arabes, luttes civiles et insurrections qui éclatent sur l’ensemble du territoire.
- Le redressement au VIIIème siècle
Le nouvel empereur Léon III et la dynastie des Isauriens permettent un net redressement de l’Empire.
Dans le domaine militaire, l’échec du siège de Constantinople par les Arabes (718) marque la fin de leur expansion en Europe centrale. Cette victoire est considérée comme équivalente à l’arrêt marqué à Poitiers quinze ans plus tard.
Mais l’Empire doit prendre acte de sa perte d’influence en Occident, l’Eglise et Rome cherchant auprès des Francs un soutien politique que Byzance ne peut plus apporter.
- L’apogée des IXème et Xème siècles
Sous le règne de Basile et de ses successeurs, Byzance va connaître pratiquement deux siècles de prospérité, devenant la civilisation européenne la plus brillante.
En politique extérieure l’Empire se reconstitue :
– Reconquête de La Crète occupée par les Arabes, qui permet à Byzance de reprendre la maîtrise de la méditerranée orientale.
– Reprise de l’offensive en Asie Mineure, la frontière byzantine est repoussée jusqu’à l’Euphrate et le Tigre, Byzance reprenant la Syrie.
– Lutte conte les Bulgares. Après l’échec du siège de Constantinople, la Bulgarie est annexée par l’Empire, qui reporte ainsi ses frontières jusqu’au Danube.
– Byzance rétablit la sécurité en Adriatique, s’allie avec Venise et impose un protectorat aux princes lombards.
– Enfin, dans le domaine religieux, l’Empire convainc la Russie de se convertir à la religion chrétienne..
En politique intérieure, l’empereur, souverain de droit divin, est servi par une administration centralisée, compétente et disciplinée. Le droit justinien est modernisé et adapté aux conditions de la vie sociale, tous les textes sont repris dans un code unique.
Dans les domaine économique et culturel, le développement de l’industrie et du commerce donnent à l’Empire la puissance et la richesse. Constantinople devient le grand entrepôt où s’échangent tous les produits du monde.
A l’Université, les maîtres enseignent la philosophie, la rhétorique et les sciences. Constantinople est le foyer d’un renouveau artistique, littéraire, philosophique, architectural, scientifique… (là encore, la Renaissance italienne en profitera, quelques siècles plus tard !).
Au regard de cette civilisation brillante, prospère, organisée, tout laisse à penser que l’Europe va devenir orientale. Mais, grave danger pour l’avenir, Constantinople attire toutes les convoitises. Et déjà se font jour les faiblesses qui vont conduire Byzance à sa perte : la question sociale, les soulèvements féodaux, l’omniprésence de l’Eglise.
# La régression économique et sociale en Occident
Avec l’arrivée des « Barbares », le pillage devient la règle, dans un espace qui n’est plus administré et n’est donc plus protégé. Avec l’insécurité qui se développe, les échanges ne se font plus, le commerce disparaît, les habitants se terrent et n’entreprennent plus, concentrés sur leur survie.
– Sous les Mérovingiens, l’activité se réduit à celle de villages vivant pratiquement en autarcie ou s’échangeant quelques produits par le troc. Seul le couloir rhodanien garde une certaine activité de transport entre la Méditerranée et le nord de l’Europe (activité qui va elle aussi disparaître avec l’invasion musulmane de la Méditerranée au VIIème siècle).
Les recherches archéologiques viennent confirmer cet effondrement de la société : les constructions romaines et les chaussées ne sont plus entretenues et sont utilisées comme sources de matériaux. L’habitat se paupérise (disparition des toits en tuiles au profit de toits en chaume et de murs en torchis). Les thermes et égouts ne sont plus entretenus et disparaissent, l’hygiène subit un recul spectaculaire et ne reviendra au niveau romain qu’à la fin du XIXème siècle…
Jusqu’au VIIIème siècle, La population européenne diminue fortement, notamment dans les grandes villes : Rome passe ainsi de 1 million d’habitants au IIIème siècle à 30.000 à la fin du VIème siècle.
Heureusement que les évêques sont là pour assurer un minimum d’administration dans les cités, après l’effacement des autorités civiles.
– Sous Charlemagne, la stabilité politique va permettre un certain retour de la prospérité, essentiellement dans le domaine agricole. Une nouvelle monnaie est créée (la Livre Tournoi), qui facilite les transactions commerciales dans tout l’empire.
Il devient possible et rentable de produire des surplus agricoles et de les vendre, d’autant que les carolingiens vont développer les foires et entretenir les routes.
L’avenir semble s’ouvrir au développement démographique et à la mutation vers une société plus commerçante, artisanale et citadine, mais elle ne prendra son essor qu’au XIIème siècle.
La sécurité des villages est, en principe, assurée par le système féodal : le seigneur protège les agriculteurs qui, en retour, lui procurent subsistance et équipement. La construction de «mottes castrales», une tour en bois entourée de palissades (ancêtre des châteaux forts) est censée assurer cette protection. En cas d’invasion, les populations et les troupeaux viennent s’y réfugier.
Malheureusement, conçue d’abord pour protéger des invasions, la motte est devenue, peu à peu, l’outil de la domination militaire et civile du seigneur sur la population qu’il protège.
– Pendant les raids sarrasins du IXème siècle
Dans le sud de la Gaule, de l’Italie ou des Balkans, les populations adoptent une autre stratégie : les villages sont installés en des lieux peu accessibles, sur des pitons plus faciles à défendre, tels qu’on les voit en Provence ou en Corse.
– Pendant les raids wikings du Xème siècle
Pendant des années, les raids wikings ont eu au nord les mêmes conséquences catastrophiques que les raids sarrasins au sud. Mais, par chance, avant d’embarquer sur leurs drakkars, les Wikings avaient été de grands commerçants, et beaucoup d’entre eux ne dédaignaient pas la charrue.
Alors ils s’installent et cultivent. Leur activité de pillage et de piraterie se transforme en activité marchande, qui devient peu à peu prépondérante. Ils développent la Normandie, ils créent de nombreux comptoirs sur les côtes européennes, jusqu’en Méditerranée, et commercent avec Byzance, dynamisant ainsi considérablement les échanges et l’économie sur tout le territoire européen.
# Les évolutions religieuses
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Résumé
– A partir du 5ème siècle le christianisme supplante le paganisme
– En 610, Mahomet fonde l’Islam, qui va rapidement s’étendre dans tout le nord de l’Afrique et au Moyen Orient, ainsi qu’en Espagne.
– A la fin du Haut Moyen Age, les dissensions croissantes entre l’Eglise de Rome et celle de Byzance conduisent au Grand Schisme d’Orient (séparation des Eglises catholique et orthodoxe).
- Le christianisme
A partir du Vème siècle, le christianisme supplante progressivement le paganisme (le polythéisme issu des croyances grecques et romaines).
– Les Francs sont les premiers à se convertir, surtout après le baptême de leur chef, Clovis. Les conquêtes franques étendent ensuite ces conversions.
– En 589, après le concile de Tolède, toute la péninsule ibérique se convertit, puis ce sont les Lombards en Italie.
– A partir de Grégoire le Grand, pape de 590 à 604, l’influence de l’Eglise de Rome est considérable, jusqu’à créer une identité chrétienne correspondant à une identité européenne (du moins dans la partie occidentale car, dès cette époque, le fossé entre la culture orientale et latine de la chrétienté est déjà grand).
– Sous Charlemagne, la conversion au catholicisme est imposé dans tout le nord de l’Europe, d’ailleurs avec une grande brutalité.
- L’expansion de l’Islam
Dans les années 610 – 620, Mahomet fonde une nouvelle religion, l’islam, et unifie les tribus arabes. Les Arabes annexent la Perse entre 637 et 642. Ils envahissent l’Afrique du Nord à la fin du VIIème siècle ainsi que la péninsule ibérique.
L’expansion musulmane en Europe cesse au milieu du VIIIème siècle avec l’échec du siège de Constantinople en 718 et la défaite face aux Francs à Poitiers en 732.
Mais la Méditerranée n’est plus la «Mare Nostrum», commune aux peuples qui la bordent, elle est devenue une frontière entre deux civilisations, chrétienne et musulmane.
- Le Grand Schisme d’Orient
Le christianisme est d’abord un important facteur d’unité entre l’Est et l’Ouest de l’Europe. Toutefois les divergences théologiques et politiques se cristallisent au milieu du VIIIème siècle, concernant le culte des icônes, le célibat des prêtres, la liturgie, le contrôle étatique de l’Église.
La rupture sera officialisée en 1054 lorsque le pape et le patriarche de Constantinople s’excommuniront mutuellement, suite aux affrontements concernant la suprématie pontificale. La Chrétienté se divise alors entre l’Église catholique en Occident et l’Église orthodoxe en Orient.
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L’Europe au cours de cette période
Après cinq siècles de lumière romaine, l’idée même d’Europe va pratiquement s’éteindre pendant cinq siècles, à l’exception des périodes fastes mais avortées de Clovis, de Dagobert et surtout de Charlemagne.
Les causes de cet effondrement apparaissent à l’évidence :
- La multiplicité des peuples barbares et l’absence d’un pouvoir unificateur, les conquêtes de Clovis s’avérant sans lendemain, du fait de l’inconsistance des rois Mérovingiens.
- L’insécurité qui règne sur tous les territoires, les chefs barbares préférant s’adonner au pillage plutôt qu’organiser une administration.
- La déshérence des villes, le repli sur les campagnes et l’abandon des échanges et du commerce, chaque village vivant pratiquement en autarcie.
La volonté d’un homme, Charlemagne, va permettre un moment de relancer l’Europe, qui retrouve l’extension de l’Empire romain d’Occident (à l’exception notable du pourtour méditerranéen). Les moyens qu’il met en œuvre sont remarquables et trouvent un écho dans notre vision actuelle de l’Europe :
- Il développe une instruction gratuite et pratiquement obligatoire et facilite les échanges entre intellectuels.
- Il crée une administration décentralisée mais cadrée et contrôlée par un corps d’inspection : les missi dominici.
- Il renforce la sécurité des campagnes et favorise le commerce continental.
Mais si Charlemagne est un conquérant redoutable et un très grand organisateur, il n’en va pas moins commettre trois erreurs, qui vont durablement obérer l’avenir de l’Europe :
- Il ne prend pas la mesure du pouvoir arabe et laisse l’Europe coupée du commerce méditerranéen. En ce sens, il a été contraint à l’Europe continentale par la puissance arabe, plus qu’il ne l’a voulue.
- Il crée la féodalité, qui est un moyen efficace pour gérer cet immense territoire en s’attachant la fidélité des comtes. Mais ce faisant, il installe un germe qui va bientôt ruiner la société médiévale, en permettant aux seigneurs d’accaparer les richesses produites dans leurs fiefs, de relancer l’insécurité. de s’opposer aux volontés de réformes.
- Il reste enfermé dans la logique des tribus germaniques, pour lesquelles le patrimoine de l’Etat appartient au chef et doit être divisé entre ses descendants. Le partage de l’empire en trois parties va, pour longtemps, être la prncipale source des conflits en Europe.
Par ailleurs, l’identité religieuse aurait pu constituer le ferment d’une identité européenne, c’est l’inverse qui va se produire avec le Grand Schisme d’Orient et l’affirmation de deux Eglises antagonistes.
L’Islam d’Espagne, tolérant et formidablement inventif, aurait pu servir d’exemple à la société occidentale. Malheureusement, les raids sarrasins dans toute l’Europe vont le discréditer, l’intransigeance de l’Eglise, déjà crispée par le Grand Schisme, va la conduire à l’absurdité criminelle des Croisades.
Finalement, de ce chaos du Haut Moyen Age, ce sont les Royaumes-Nations (on dirait maintenant Etats-Nations) qui vont sortir vainqueurs. Par leur succès (pour le meilleur et pour le pire…), ils vont durablement étouffer toute idée d’intégration européenne.
Le Haut Moyen Age
Cette fois encore, ton article teste assez severement nos connaissances historiques de ces siecles lointains. J’avais bien entendu de la barbe fleurie de Charlemagne, ainsi que des Burgondes, des Ostrogoths et autres Wisigoths grace aux albums d’Asterix, mais le reste était nouveau pour moi.
Ah, le haut Moyen-Age, une bien belle epoque en verite… on a de la chance de discuter de tout cela en 2015, du haut de notre belle civilisation !