La démocratie est née sur les bords de la mer Egée au VIème siècle avant Jésus Christ.
Après vingt sept siècles, la démocratie reste le moins mauvais des régimes mais toute démocratie reste inachevée, c’est un idéal à reconstruire en permanence.
Ses défauts voire ses pathologies sont manifestes, comment la revitaliser aujourd’hui ?
Origines de la démocratie
Démocratie vient de demos, le peuple et de cratos, l’autorité.
Pourquoi la démocratie est-elle née en Grèce ?
La colonisation grecque fait émerger une classe moyenne. L’armée est aristocratique mais en raison des progrès de la technique militaire, elle a besoin de fantassins, d’[hoplites| Fantassins lourdement armé], d’équipages, de bateaux… Une classe moyenne se développe, s’enrichit et veut participer au pouvoir. Des guerres civiles éclatent alors entre l’aristocratie et ces nouvelles classes.
Pour pacifier la société un tyran nommé Pisistrate édicte de nouvelles règles, au VI siècle avant J.C. Ces règles posent les trois bases de la démocratie athénienne :
- L’isonomie, c’est-à-dire l’égalité devant la loi.
- L’isotinie, l’accès de tous aux fonctions.
- L’isogorie, le droit de tous à la parole.
L’assemblée du peuple, l’ecclesia, constitue une démocratie directe. Elle nomme aux responsabilités et fait les Lois. Mais cette démocratie est imparfaite : sur 400.000 habitants, seuls 40.000 sont des citoyens : sont exclus les femmes, les esclaves, les métèques. Sur les 40.000 citoyens, 6. 000 siègent vraiment.
Conditions de la démocratie
La démocratie peut être exercée directement ou indirectement. Mais pour qu’il y ait démocratie, il faut que soient respectés au moins les principes de liberté et d’égalité (article 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 Août 1789).
Les articles de cette constitution ne sont pas classés car le temps manquait à l’Assemblée Constituante : le droit à la propriété ne se trouve qu’à l’article 17, à la fin, alors que cette déclaration a été rédigée par des bourgeois !
Cinq libertés fondamentales sont édictées :
- liberté de conscience,
- liberté d’opinion,
- liberté de la presse,
- liberté d’association,
- liberté d’expression.
Pour qu’il y ait démocratie, il faut aussi un Etat de droit et la séparation des trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire.
Toute démocratie doit protéger le plus faible, permettre la diffusion du savoir, assurer la citoyenneté, le droit à la retraite, au repos, au logement.
Plus récemment sont apparus deux nouveaux droits :
- droit à l’information,
- droit à l’environnement.
Mais toute démocratie est inachevée : elle ne peut exister qu’en tant qu’idéal. L’égalité est purement théorique.
Voir ici la Déclaration des Droit de l’Homme et du Citoyen de 1789
Voir ici la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 (ONU)
Développement de la démocratie
Les cinq grandes ruptures qui ont amené la démocratie
- Les monarchomaques au XVIème siècle. Ces protestants de la réforme, dans la lignée de Calvin et des humanistes français déclarent que le pouvoir royal n’est justifié que par l’impératif moral : si le roi donne des ordres injustes, le peuple a le droit de ne pas obéir. A la suite de ces penseurs, on trouve un catholique, Bellarmin. Mais l’arrivée de Henri IV, premier grand roi absolu, met un terme à ces espoirs de démocratie.
- En 1688, en Angleterre, les communes anglaises chassent Jacques II.
- En 1785, la Constitution américaine crée un Etat avec une Constitution écrite.
- 1789, Révolution Française.
- 1917, Révolution Bolchevique
L’ historique de la démocratie en France.
- 1789, les Cahiers des Doléances.
- Les clubs et les sociétés populaires
- Notion de citoyenneté avec la Révolution
- Arrêt de la démocratie avec la Terreur, la guerre, Bonaparte.
- Redémarrage de la démocratie en 1848 : suffrage universel (masculin).
- 1851 nouvel arrêt de la démocratie : deuxième empire avec Napoléon III.
- 1864 : Napoléon III autorise le droit de grève.
- 1879 : troisième République.
- 1895 : loi sur les syndicats.
- 14/18 : la guerre stoppe la démocratie (Clemenceau)
- Années 30 : la démocratie est malmenée par les ligues.
- 1944 : droit de vote des femmes.
- 1959 : Vème République. L’article 16 donne les pleins pouvoirs au Président de la République.
Limites et difficultés de la démocratie
Une démocratie triomphante mais incertaine
On peut affirmer que la démocratie est le régime politique le moins mauvais.
Mais comment peut-elle fonctionner dans un contexte de mondialisation où l’économie domine ?
Le mot démocratie (l’autorité du peuple) est abstrait et doit être complété d’un adjectif : démocratie libérale, démocratie populaire, démocratie parlementaire, démocratie socialiste, démocratie représentative, démocratie directe.
Dans le concept de démocratie réside un dilemme, un affrontement :
- d’un côté la société civile qui réclame le pluralisme, davantage de contre-pouvoirs,
- et d’un autre côté l’Etat, lieu central du pouvoir mais qui ne doit pas devenit omniprésent (Big Brother 1984).
La démocratie est un équilibre subtil de ces deux composantes, ce qui induit un certain nombre de problèmes qui peuvent faire douter l’elle.
Les problèmes posés
Démocratie et légitimité
La démocratie exclut une autorité qui ne procéderait pas du peuple. Ainsi, a contrario, Bonaparte, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, n’avait pas d’autre légitimité que la victoire militaire. Il était donc condamné à faire la guerre e à la gagner.
Démocratie et justice
Il faut introduire une justice pour que la liberté ne soit pas réservée à quelques uns :
- Le Loi doit régler le face à face employeur/ employé
- La culture et l’éducation donnent la liberté : il faut prolonger la scolarité
- Le pouvoir de l’église doit être limité (Loi de 1905)…
Démocratie et laïcité
On constate une contradiction dans le concept de laïcité où deux droits de l’homme s’opposent : la liberté individuelle et l’égalité de tous devant la Loi.
La Révolution française neutralise le fait religieux et dissocie citoyenneté et confessionnalité. L’article 10 déclare : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ».
La loi de 1905 qui sépare les Eglises et l’Etat est votée à la suite de l’affaire Dreyfus, où l’Eglise catholique était sortie de sa neutralité.
Actuellement il existe des groupes sociaux dont l’identité et le lien social sont religieux. Mais avec la crise économique et le chômage, le lien social se dissout, ce qui favorise le développement du lien religieux.
De plus et depuis 1981, le droit d’association a été étendu au cultuel, ce qui renforce encore l’importance du lien religieux.
A noter que dans la majorité gouvernementale, deux camps s’affrontent :
- les républicains (Valls),
- les auteurs du rapport sur le voile (désavoués par les premiers).
Elisabeth Badinter interroge : le droit à la différence est-il possible en démocratie ? Pour elle, ce droit est une porte ouverte au communautarisme : « on veut les droits de tous, mais on veut en plus les droits de sa communauté ».
C’est pourquoi elle se prononce contre le voile et rappelle que la laïcité nous protège de la dérive communautariste. La limite de la liberté, c’est la Loi.
Démocratie et Internet
Internet permet l’information, le dialogue avec des réseaux sociaux, la participation à des pétitions. Tout cela est positif pour la démocratie.
En revanche Internet peut renforcer les divisions, abriter des campagnes de haine, désinformer. Ce n’est donc pas une panacée pour résoudre la crise de la démocratie.
Démocratie et développement économique
Le développement économique repose sur la confiance ( « confiance » vient de « fides », la fidélité, la foi, la fiabilité). Si le pacte de confiance est rompu, comme c’est le cas aujourd’hui avec la crise, une voie s’ouvre aux totalitarismes et aux populismes, de droite comme de gauche.
Démocratie et Environnement
Les écologiste soulignent la contradiction entre une démocratie qui agit à court terme (cf. le calendrier électoral) et les contraintes de défense de l’Environnement. Ils prônent une démocratie participative (forums, ONG, experts) en complément de la démocratie élective.
Différentes formes de démocratie
En préambule, M. Benoît ne résiste pas au plaisir d’évoquer un texte révolutionnaire «magnifique» dont l’instigateur est Gracchus Babeuf.
Ce clerc de notaire, écœuré par l’injustice régnante, en vient à rédiger des faux pour escroquer les riches propriétaires : c’est un faussaire à vocation sociale et révolutionnaire. Il est alors emprisonné et rencontre Angelo Buenarotti qui va assurer sa formation politique.
A sa sortie de prison il crée le journal « Le Tribun du Peuple » où il lance le « Manifeste des Egaux » (en fait écrit par Sylvain Maréchal) qui le fait considérer comme le père du communisme. Babeuf sera guillotiné à Vendôme le 27 mai 1797.
Voir ici le « Manifeste des Égaux »
On distingue les différentes formes de démocratie suivantes :
- La démocratie directe. Seul exemple : Athènes. La souveraineté ne peut pas se déléguer. Une loi n’est valable que si chacun donne son avis. Voir le livre II du «Contrat Social» de Jean Jacques Rousseau.
- La démocratie semi-directe. Exemple : la Suisse avec ses référendums (votations) sur tous les sujets. Sur 100 votations, 60 sont repoussées.
- La démocratie représentative. Montesquieu la développe dans «l’Esprit des Lois» : le peuple n’est pas compétent pour gérer, il doit être représenté ; mais déléguant son pouvoir, il en est dépossédé.
Le député doit être un citoyen débarrassé de ses soucis personnels pour ne penser qu’au Bien Public. Le suffrage censitaire répond à cette contrainte puisque seuls peuvent voter et être élus ceux qui payent l’impôt et disposent donc de revenus suffisants.
En 1848, le suffrage qui était censitaire devient universel (mais uniquement masculin jusqu’en 1946). - Dans la «démocratie gouvernée», le pouvoir appartient au gouvernement et le peuple s’en décharge. Dans la «démocratie gouvernante», le pouvoir gouverne au nom du plus grand nombre (exemple : l’URSS dont le pouvoir gouvernait au nom du prolétariat).
- La démocratie présidentielle : la France où toutefois le gouvernement est responsable devant le Parlement qui peut le renverser (motion de censure) ; les Etats Unis où les ministres n’ont pas à rendre compte devant le Parlement.
- La démocratie plébiscitaire : le chef du gouvernement gouverne au nom du peuple. Exemple : Bonaparte, le fascisme.
- La «démocratie populaire» communiste. Exemple : la Corée du Nord.
- La démocratie chrétienne. Exemple : l’Italie. l’Eglise entre dans la gestion du politique (cf. aussi Lamennais, Ozanam, Lacordaire).
Pathologies de la démocratie
- Le cumul des mandats : il limite l’arrivée de nouveaux élus, qui seraient susceptibles de renouveler l’exercice du pouvoir démocratique.
- Les promesses électorales : pour gagner les élections, le candidat fait toutes les promesses possibles…
- Les « héritiers » : la politique est aussi un mécanisme de reproduction sociale qui confirme le pouvoir de catégories professionnelles et sociales, et bloque le renouvellement.
- La corruption des élus : le développement des scandales mine la confiance dans la démocratie.
- L’instabilité du pouvoir qui naît du fonctionnement des partis, notamment dans certaines formes du fonctionnement démocratique (cf. 4ème République).
- La montée des communautarismes qui remet en question l’idéal d’intégration républicaine.
- La crise économique, face à laquelle la démocratie apparaît impuissante.
- Les excès de certains contre-pouvoirs qui, par leurs critiques systématiques, visent à délégitimer les élus et rendent l’exercice de la démocratie difficile.
- L’individualisme et le manque d’engagement des citoyens.
- Le poids du passé et de certains héritages politiques, qui peuvent bloquer l’action d’un responsable pourtant démocratiquement élu.
- La montée des populismes qui surfent sur ces pathologies.
En conclusion
Comment rallumer la passion démocratique ?
- En 20 ans, le fossé entre citoyen et élite s’est accru. On est passé d’un vote de classe à un vote privatif (cf.les bonnets rouges) en fonction de sa religion, de sa génération, de son patrimoine, de sa région…
- Il faut recréer une envie de participation. Edouard Herriot, ancien maire de Lyon en a été un exemple remarquable, toujours à l’écoute de ses concitoyens. Sans être une panacée, internet peut être utilisé en ce sens (cf. par exemple le financement de projets proposé directement aux internautes).
- La démocratie ne doit pas seulement être une «technique» de gouvernement mais un ensemble de «valeurs» mettant l’homme au centre de l’action publique. Elle doit permettre à chacun d’aller au bout de ses «capabilités» telles que les évoque Amartya Sen, prix Nobel d’économie.
Pour Amartya Sen, les inégalités entre les individus ne s’apprécient pas au regard de leurs seules dotations en ressources mais de leurs capacités à les convertir en libertés réelles. Il introduit ainsi la notion de « capabilités », qui invite à considérer la pauvreté au-delà des seuls aspects monétaires et à la penser en termes de libertés d’action, de capacités à faire.
La démocratie
Salut Marie-No,
Il se trouve qu’après avoir lu ton article sur la démocratie, j’ai écouté sur France Inter une interview de P. Rosanvallon qui lui fournit un écho intéressant. Sa thèse est que les Français ne se connaissent plus et que cette ignorance mine la démocratie (dont le but devrait être d’organiser un monde commun).
Des mots-valises (peuple, travailleurs…) ou des stéréotypes (bobos, cités, immigrés…) masquent la réalité. Or ne pas connaître les autres nourrit les fantasmes et favorise la montée des extrêmes.
Michelet disait : pour faire la démocratie, il faut faire cesser la terrible ignorance des uns pour les autres…
C’est dans cet esprit que P. Rosanvallon vient de créer un site : http://www.raconterlavie.fr dont le projet se présente ainsi : «Par les voies du livre et d’internet, « Raconter la vie » a l’ambition de créer l’équivalent d’un Parlement des invisibles pour remédier à la mal-représentation qui ronge le pays.»
Jean-François
PS : j’ai aussi fait un tour sur wikipedia : la démocratie aurait plutôt été inventée par Dacron et surtout Solon, quelques années avant Pisistrate (un tyran modéré et un homme d’Etat avisé, qui sut gouverner en respectant les Lois existantes). Qu’en penserait M. Benoît ?
La démocratie
Hello Jean François,
J’ai moi aussi entendu cette émission qui a bien sûr fait résonance avec l’article sur la démocratie. C’était intéressant. J’ai bien aimé le terme d' »Invisibles ».